Retour sur les Assises des délais de paiement 2024
Le 17 octobre dernier, nous avons eu le plaisir de participer aux Assises des délais de paiement et des financements à Paris. Cet événement, devenu un rendez-vous incontournable pour les acteurs économiques, a permis d’échanger sur cette grande cause nationale que représentent les délais de paiement. Entre confrontation de points de vue, témoignages d’experts et retours d’expérience, cette journée a mis en lumière l’importance cruciale d’une gestion saine des flux de trésorerie pour la pérennité des entreprises françaises.
Cette participation résonne d’autant plus avec la publication récente de la Banque de France sur l’évolution des délais de paiement en 2024, qui révèle des tendances à la fois encourageantes et préoccupantes.
2024 : une amélioration en demi-teinte
Selon les dernières données de la Banque de France, l’année 2024 marque le retour d’une dynamique positive après une pause en 2023. Les délais de paiement des entreprises françaises, hors microentreprises, ont globalement diminué de 1,5 jour, tant côté clients que fournisseurs. Une amélioration bienvenue qui permet au solde commercial de se stabiliser à son plus bas historique, à 12 jours de chiffre d’affaires.
Pour les microentreprises, la tendance est même légèrement plus favorable avec une réduction de 1,7 jour des délais clients et de 2 jours des délais fournisseurs. Ces derniers retrouvent ainsi pour la première fois un niveau inférieur à celui d’avant la crise sanitaire de 2019.
Des disparités inquiétantes selon la taille des entreprises
Mais derrière ces chiffres encourageants se cache une réalité plus nuancée. L’amélioration moyenne masque en effet une forte hétérogénéité au sein de la population des entreprises. Si les entreprises qui paient rapidement ont encore accéléré leurs pratiques, les plus mauvais payeurs ont au contraire tendance à allonger leurs délais. Cette polarisation des comportements crée un déséquilibre préjudiciable pour l’ensemble de l’écosystème économique.
Les grandes entreprises dernières de la classe !
Plus préoccupant encore : ce sont souvent les grandes entreprises qui se révèlent être les moins vertueuses en matière de délais de paiement, exerçant ainsi une pression financière sur leurs fournisseurs, généralement de plus petite taille.
La comparaison est éloquente : en 2024 la proportion des micros-entreprises payant leurs fournisseurs dans les temps atteint 84% alors qu’elles ne sont que 48% parmi les grandes entreprises ! c’est le monde à l’envers au vu des ressources financières de chacune des catégorie…
L’impact direct sur la trésorerie : comprendre le solde commercial
Le solde commercial est un indicateur clé pour mesurer l’impact financier des délais de paiement. Il se calcule comme la différence entre les créances clients et les dettes fournisseurs, rapportée au chiffre d’affaires.
Lorsque ce solde est positif, l’entreprise accorde plus de crédit qu’elle n’en reçoit : elle finance ses clients plus qu’elle n’est financée par ses fournisseurs. Cela génère un besoin de financement qui pèse sur sa trésorerie. L’entreprise doit alors mobiliser ses ressources propres ou recourir à des solutions de financement externes (découvert, affacturage, escompte) pour combler ce décalage.
À l’inverse, un solde négatif signifie que l’entreprise bénéficie d’une ressource de financement gratuite grâce au crédit interentreprises. Elle est alors dans une position favorable où ses fournisseurs contribuent à financer son activité.
Les enjeux critiques pour la santé financière des entreprises
- Le besoin en fonds de roulement (BFR)
Les délais de paiement impactent directement le BFR, c’est-à-dire le montant nécessaire pour financer le décalage entre les décaissements (paiement des fournisseurs, salaires) et les encaissements (règlement des clients). Plus les délais clients sont longs et les délais fournisseurs courts, plus le BFR est élevé et plus l’entreprise doit mobiliser de trésorerie pour fonctionner au quotidien.
- Le risque de défaillance
Pour les PME et TPE, qui disposent généralement de marges de manœuvre financières limitées, un allongement des délais de paiement clients peut rapidement devenir critique. Une entreprise peut être rentable sur le papier tout en connaissant des difficultés de trésorerie aiguës, voire une cessation de paiement, simplement parce que ses clients tardent à la régler.
- Le coût du financement du poste clients
Financer des créances clients a un coût, qu’il soit explicite (intérêts bancaires, frais d’affacturage) ou implicite (impossibilité de saisir des opportunités de développement, négociation affaiblie avec les fournisseurs). En 2024, dans un contexte de taux d’intérêt encore élevés, ce coût pèse lourdement sur la rentabilité des entreprises.
- L’effet domino dans la chaîne de valeur
Le non-respect des délais de paiement par certaines entreprises, notamment les plus grandes, crée un effet cascade sur l’ensemble de la chaîne de sous-traitance. Les PME, qui ne peuvent pas imposer leurs conditions à leurs donneurs d’ordres, se retrouvent contraintes d’allonger à leur tour les délais accordés à leurs propres fournisseurs, propageant ainsi les tensions de trésorerie dans tout l’écosystème économique.
Les tensions du premier semestre 2024 : un signal d’alerte
L’analyse trimestrielle de la Banque de France révèle que les tensions constatées au premier semestre 2024 ne se sont résorbées qu’en fin d’année. Cette volatilité souligne la fragilité de la situation et la nécessité d’une vigilance constante. Les entreprises doivent anticiper ces fluctuations et mettre en place des outils de pilotage de trésorerie robustes.
Quelles solutions pour mieux gérer ses délais de paiement ?
Face à ces enjeux, plusieurs leviers d’action existent :
Côté prévention :
- Négocier dès la signature du contrat des conditions de paiement adaptées
- Mettre en place une relance systématique et professionnelle des impayés
- Diversifier son portefeuille clients pour limiter la dépendance
- Évaluer la solvabilité de ses clients avant toute relation commerciale
Côté recouvrement :
- Les cabinets de recouvrement de créances sont vos meilleurs partenaires en cas d’impayés. Ils interviennent en amiable avant toute action judiciaire, avec une expertise de négociation et des outils de relance professionnels qui préservent la relation commerciale
- Faire appel à un cabinet spécialisé permet d’externaliser la gestion des créances douteuses et d’augmenter significativement les taux de récupération
- Les huissiers de justice constituent une solution de dernier recours, pour les procédures judiciaires et l’exécution forcée, mais leur intervention arrive après l’échec des phases amiables
Côté financement :
- L’affacturage permet de transformer immédiatement ses créances en trésorerie
- L’escompte facilite le financement des créances matérialisées par des effets de commerce
- Les solutions de financement participatif ou le reverse factoring peuvent offrir des alternatives intéressantes
Côté réglementation :
- Connaître ses droits : les délais légaux sont de 60 jours à compter de la date d’émission de la facture, ou 45 jours fin de mois
- Ne pas hésiter à faire appel à la Médiation du Crédit en cas de difficultés
- Signaler les retards de paiement systématiques aux autorités compétentes
Vers une culture de paiement plus vertueuse ?
Les Assises des délais de paiement et les actions de sensibilisation menées par les acteurs du secteur visent à instaurer une culture de paiement plus responsable. Car au-delà des obligations légales, c’est une question de confiance entre acteurs économiques et de respect mutuel.
Les grandes entreprises ont un rôle majeur à jouer dans cette transformation. En tant que donneurs d’ordres, elles peuvent faire le choix de devenir des moteurs de bonnes pratiques plutôt que d’utiliser leur position dominante pour imposer des conditions défavorables à leurs fournisseurs.
Conclusion
Si les chiffres de 2024 montrent une amélioration moyenne des délais de paiement, la persistance de comportements dégradés chez les plus mauvais payeurs appelle à la vigilance. Les entreprises, particulièrement les plus petites, doivent considérer la gestion des délais de paiement comme un enjeu stratégique et non comme une simple formalité administrative.
Dans un environnement économique incertain, où chaque jour de trésorerie compte, l’optimisation des délais de paiement n’est pas une option mais une nécessité pour assurer la pérennité et le développement des entreprises françaises.
La mobilisation collective observée lors des Assises du 17 octobre dernier montre que le sujet est pris au sérieux par l’ensemble des parties prenantes. Reste désormais à transformer ces bonnes intentions en actions concrètes et mesurables sur le terrain.
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